vendredi 7 janvier 2022

HARA - SEIKA TANDEN

"Un centre immuable autour duquel tout s'organise"

 

 



 

Le Hara, c'est littéralement le ventre.

Si on regarde le kanji, on voit qu'il est formé de 2 parties, celle de gauche veut dire chair et celle de droite a pour signification, ce qui cache les organes internes. Donc le Hara c'est la chair qui cache les précieux organes internes !

Ce qui nous intéresse dans ce Hara pour notre pratique est qu'il est la région qui entoure ce fameux Seika Tanden, qui est la source et le centre des forces et de l'énergie. Appelé aussi Seika-no-itten ou Kikai (mer de l'énergie, mer du souffle) qui est un point central immatériel du Tanden !

Le Tanden ou champ de cinabre, expression d'origine taoïste, est le centre du Hara, la région sous-abdominale du point de rencontre des énergies (de la taille d'une boule de pétanque) à environ 2 à 3 largeurs de doigts sous le nombril en direction de L2-L3. Il est le siège de la puissance et de l'efficacité de l'homme. C'est notre centre de gravité !

D'un point de vue métaphysique, l'homme est fils de la Terre et du Ciel. C'est le point d'équilibre entre ces 2 forces qui ramène au sol et lève vers le haut. L'homme doit être ce point d'équilibre. Dans son centre, la pratiquant est en harmonie avec lui-même, il n'y a plus de haut, de bas, de gauche, de droite, d'avant, d'arrière. Il est le centre immobile de la roue qui tourne.

Hummmm Centrum quand tu es là !

 

Peut de chose sont dites sur le Hara, et parler de ventre entre occidental et oriental est plus que sujet à discussions. Pour nous, ce n'est que le ventre "alimentaire" sans compter que notre civilisation actuelle refuse les ventres rebondis ! Chose remarquable quand même, on voit beaucoup d'anciennes peintures ou sculptures "sacrées" qui mettent l'accent sur le ventre que ce soit en Egypte, en Grèce, dans les églises, l'homme de Vitruve de Vinci… Après avec les religions (arigato !), le ventre est devenu "tabou", siège des bas-instincts ! On retrouve quand même beaucoup d'expressions qui font référence à notre ventre. Avoir mal au ventre, avoir du cœur au ventre, avoir la boule au ventre, avoir des tripes …

Symboliquement, le ventre est aussi le siège des transformations et de la gestation (9 mois dans le ventre d'une femme pour enfanter !). C'est là que se sépare le pur, de l'impur, la quintessence subtile qui va nous alimenter des déchets qui seront éliminés. Dans son ventre, bien caché, on transforme et renaît !

Au Japon, on en ferait presque la culture car il est "le centre de la conscience véritable, l'enveloppe de notre être essentiel". Selon Durckheim, la notion de Hara est de parvenir à un état d'être. Cet état d'être, permet d'agir de manière naturelle au moment où il faut !

Beaucoup d'expressions japonaises expriment cet état d'être. Le Hara est donc bien un centre de conscience. Et c'est pas sans raison d'ailleurs que les Samurais se faisaient Seppuku ou Hara-Kiri ! Faut oser mourir en mettant ses tripes à l'air, pour montrer sa loyauté, sa sincérité, son courage et son honneur !

Une personne qui a le ventre sale, Hara gitanai hito, est une personne malhonnête.

Une personne qui a le ventre noir, Hara kuroi hito, est une personne sournoise

Avoir le ventre qui se lève, Hara ga tatsu, c'est être en colère

Un homme généreux, Hara okii hito, est un homme qui a un gros ventre

L'homme mur, solide, Hara dekiteru hito, est l'homme qui a fait son ventre.

Parler à cœur ouvert, Hara wo watte hanasu, est en fait parler à ventre ouvert

 

Etre dans son Hara, c'est être dans son être, à la recherche du meilleur équilibre, centre de gravité physique, mais équilibre psychique aussi ! La Hara c'est la base de l'homme véritable à l'attitude juste.

 

Dans notre pratique, la partie visible d'une prise de Hara effective se voit dans l'équilibre de la personne, la stabilité au sol, l'enracinement même. Psychiquement, c'est la capacité de garder le contrôle de soi, de se maîtriser, d'être juste dans l'instant.

 

Y'a pas de secret là-dedans, pour acquérir ce Hara, il faut pratiquer, pratiquer et toujours pratiquer ! Faire les exercices sans se prendre la tête, suivre la Voie le plus régulièrement possible ! Au début c'est difficile je le conçois, car il y a beaucoup de notions, de techniques à apprendre et il faut forger son corps et son esprit à l'art ! Mais après un certain temps, le Moi qui ne cherche qu'à se montrer, relâchera son emprise pour commencer le vrai travail qui est intérieur, la maîtrise du Hara ! Donc une bonne assise dans notre pratique, une position naturelle, détendue, permet d'être stable dans les mouvements. Un meilleur équilibre et c'est une meilleure puissance fournit. Du reste, quand vous devez pousser quelque chose de lourd, ne vous enracinez pas mieux au sol ? Aussi, prenez attention au travail préparatoire, le Jumbi dosa, où vous êtes seul avec vous-même et où vous pouvez prendre conscience de ce Hara. Ame no Tori Fune (mouvement du rameur), Furi Tama (vibration de l'âme) et que dire de la position Seiza chère au zen …

 

L'aikido, mais aussi les autres arts martiaux, le zen, la calligraphie, le chant, toutes les voies visent la prise de conscience et l'épanouissement du Hara. Une pratique régulière permettra d'avoir une attitude juste au moment juste. Le but ultime étant de vivre dans l'ici et maintenant. Au Japon, c'est ce qu'on appelle le Haragei (l'art du ventre), c'est vivre avec son ventre, être en relation de ventre à ventre mieux que de portable à portable !

 

Une dernière réflexion pour finir : Il n'y a pas d'Aïkido véritable, s'il n'y a pas de Hara, mais il n'y a pas de Hara, s'il n'y a pas de point qui concentre l'énergie, le Seika Tanden, et donc pas de Ki véhiculé par le Kokyu ! Mais pas de Hara non plus sans Kokyu ni Shisei ! cela se complique ?? Euhhh c'est pas du chinois , c'est du japonais d'abord, réfléchissez bien !

 



 

 



 

 

Étonnamment, peut de choses sont dites dessus par les experts de notre art !

Est-ce naturellement acquis? Est-ce une évidence en soi, est-ce une valeur secrète ?

Même O Sensei n'en parle pas ouvertement ! Il part d'avoir les hanches solides, de pousser avec son ventre, d'être unifié … mais pas de Hara ou Seika Tanden à proprement parlé !

Est-ce un problème de traduction ?

Devais-je en parler ? Fallait-il s'y aventurer ???

 

 

Voici quelques pistes pour vos propres recherches ! A ce sujet, 2 livres remarquables :

 

Hara, le centre vital de l'homme, de Karlfried Graf Durckheim,

 

Hara, architecture du milieu-juste de Cauhépé et Kuang.

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